Dans le cadre d'un devoir d'arts plastiques (je fais la spécialité art avec le CNED), nous devions créer un dispositif plastique, en utilisant les matériaux de l’œuvre (toile, clou, enduit, couleurs, outils…) et l’espace, mélangeant à la fois la peinture (donc la deux dimension) ainsi que la sculpture (la trois dimension), à l’image des combines-painting de Rauschenberg. Par l’utilisation de différents médiums : peinture acrylique, à l’huile et gouache, ainsi que de l’argile, des vis, des vieux pinceaux et de la toile en lin, j’ai souhaité représenter un portrait en bas-relief, sur une toile en lin et qui semble justement « sortir », « s’échapper » de celle-ci dans un cri de révolte. En effet, le visage se libère du cadre, explose ce dernier qui a toujours enfermé l’image. Nous sommes face à un Cri de Munch, mais ce n’est pas l’angoisse qui est représentée ici, mais la révolte face à ce cadre qui enferme tout, représenté par le cadre derrière la toile, qui suggère une dislocation, un démembrement même de la toile. Cadre qui suggère le cadre social, scolaire, familiale, en fait tous les cadres contraignant de la société. L’idée dans cette œuvre est de ne plus « être sage comme une image », une simple façade, qui peut avoir des aspects de superficialité, mais justement d’exister, de se libérer et cela grâce au passage à la 3D, à la chair et au corps qui permet une existence physique, réelle.
Nous vivons dans une société, qui depuis longtemps déjà, est régie par les images (graphiques, artistiques, publicitaires…) et par son image (mœurs, superficialité, beauté…). On nous apprend à être « comme ceci » ou « comme cela », et la différence est parfois (souvent ?) critiquée, même décriée car elle angoisse les gens. L’art a également connu des classifications, des codes dictés qui permettent de qualifier un travail d’œuvre d’art. Et si une œuvre ne respectait pas ces codes dits académiques, elle n’était pas considérée comme œuvre d’art et connaissait un rejet parfois violent. De nombreux artistes ont connu cette critique, l’on peut nommer les impressionnistes, l’art abstrait, la plupart des mouvements d’avant-garde à leur début… Mon travail tente de représenter l’explosion de ses codes, à la fois artistiques, sociétales et personnels, à travers ce portrait qui semble sortir de la toile elle-même, de « vomir » la peinture.
Mon œuvre est exposée sur une bibliothèque, entourée de livres reliés, bien rangés et droits, afin de témoigner davantage, par un effet de contraste, de l’explosion de la culture artistique qui se libère. Elle se veut expressive, violente, sensationnelle. L’art ne se veut plus « beau » dans sa définition académique, classique, et remet parfois en question toutes les idéologies artistiques, esthétiques voire politiques et sociétales, comme le mouvement Dada apparu durant la Première Guerre mondiale. Mon œuvre cherche à témoigner de tout cela, des avant-gardes artistiques, de la révolte face au monde qui est lui-même violent par ses guerres, ses destructions humaines et environnementales ; face à la société et ses carcans, ses inégalités, ses discriminations et injustices. Mon personnage est comme un artiste qui est témoin de tout cela, de la nature humaine souvent terrible, et mon œuvre tente à représenter sa réaction, à travers ma propre vision personnelle. Mais comment ?
Les vis qui forment les pupilles suggèrent une violente colère, tout comme l’expression des sourcils, ainsi que la crispation de tout le visage. Les pinceaux, peints ou collés sur la toile, représentent des cheveux hérissés sur le crâne, comme le style punk, mouvement culturel à la base contestataire, apparu dans les années 70, mais qui a connu de nombreuses dérives. J’ai modelé de l’argile (ce qui fut une première pour moi) pour faire le visage et je l’ai fixé sur la toile avec l’argile même. Cependant j’ai rencontré des difficultés, car quand la terre séchait, elle se détachait et parfois se cassait. Pour remédier à cela, j’ai imbriqué des morceaux de toiles au-dessus, afin de donner vraiment l’effet voulu, soit l’aspect jaillissant du visage comme si c’était de la toile même que surgissait le visage, à l’instar du livre qui hurle dans le film Harry Potter à l’école des sorciers.
J’ai ensuite peint l’argile, la toile collée dessus puis la toile de fond dans un dégradé allant du marron au noir, pour renforcer cette impression que le visage et la toile ne font qu’un. J’ai gardé le cadre en bois, dont j’avais extrait la toile collée sur les côtés du visage, en le mettant derrière mon œuvre, afin de renforcer cette impression que l’art se révolte et même se révolutionne, en quittant sa structure.
En passant de l’image en bas-relief et à l’idée de 3D, donc de la sculpture, et en mettant ma sculpture en situation, dans cette bibliothèque, j’ai voulu, tout en faisant un travail qui montre la révolte contre les cadres sociaux, résumer le parcours de l’image, la peinture, le portrait classique, à l’installation in situ. Ainsi, j’ai voulu dire que l’art à du sortir des académismes et des règles, en s’émancipant des codes de la peinture, pour libérer la création et l’expression artistique.
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